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MOUTONS.

duit, ils sont généralement peu sujets à varier. On a regardé aussi la présence de poches interdigitales comme un caractère générique du mouton, mais I. Geoffroy[1] a montré que ces poches manquent dans quelques races.

On remarque chez les moutons que les caractères acquis apparemment sous l’action de la domestication, présentent une forte tendance à se fixer exclusivement sur le sexe mâle, ou au moins à se développer beaucoup plus dans ce sexe que dans l’autre. Ainsi, dans beaucoup de races, les cornes manquent chez les brebis, ce qui arrive aussi parfois à la femelle du mouflon sauvage. Chez les béliers de la race valaque, les cornes s’élancent presque perpendiculairement de l’os frontal et pren­nent ensuite une magnifique forme spirale ; dans les brebis, elles sortent de la tête presque à angle droit et se tordent ensuite d’une singulière manière[2]. M. Hodgson constate que le chan­frein fortement arqué qui se développe à un degré si remar­quable chez quelques races étrangères caractérise surtout le bélier, et est apparemment un effet de domestication[3]. M. Blyth m’apprend que dans les plaines de l’Inde, et chez les races à grosse queue, l’accumulation de la graisse dans cet organe est beaucoup plus considérable dans le mâle que dans la femelle, et Fitzinger[4] fait remarquer que dans la race africaine à cri­nière, celle-ci est beaucoup plus développée chez le bélier que chez la brebis.

Comme dans le gros bétail, les diverses races de moutons présentent des différences constitutionnelles. Ainsi les races améliorées arrivent plus tôt à maturité, ce qu’a bien montré M. Simonds, d’après l’époque moyenne de la dentition. Les diverses races se sont adaptées à différentes natures de pâtrages et de climats ; ainsi il est impossible d’élever des moutons Leicester dans les régions montagneuses où réussissent les Cheviot. Ainsi que le fait remarquer Youatt, dans toutes les différentes localités de l’Angleterre, nous trouvons diverses races de moutons admirablement adaptées à l’endroit qu’elles occupent. On ne connaît pas leur origine, elles appartiennent

  1. Hist. nat. gen., t. III, p. 435.
  2. Youatt, O. C., p. 138.
  3. O. C., 1817, XVI, p. 1015, 1016.
  4. O. C., p. 77.