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LEURS VARIATIONS.

nombre très-différentes les unes des autres. Une des plus fortement caractérisées est une race orientale à queue longue, pourvue, d’après Pallas, de vingt vertèbres, et si chargée de graisse que, pour l’empêcher de traîner par terre, on la place sur un chariot que l’animal tire après lui. Ces moutons, que Fitzinger regarde comme une forme primitive, paraissent porter dans leurs oreilles pendantes le cachet d’une domestication prolongée. Il en est de même pour les moutons qui portent sur le croupion deux grosses masses de graisse et ont une queue rudimentaire. La variété angola de la race à longue queue a des paquets de graisse remarquables sur le derrière de la tête et sous les mâchoires[1]. Dans un excellent travail sur les moutons de l’Himalaya, M. Hodgson[2] conclut d’après la distribution des diverses races, que cette augmentation caudale, dans la plupart de ses phases, est un cas de dégénérescence chez ces animaux éminemment alpestres. Les cornes présentent des variations infinies, elles manquent assez souvent, surtout dans le sexe féminin ; dans d’autres cas, au contraire, on les trouve au nombre de quatre ou même de huit. Les cornes, quand elles sont nombreuses, surgissent d’une crête de l’os frontal, qui est relevé d’une façon particulière. La multiplicité des cornes est généralement accompagnée d’une toison longue et grossière[3] ; cette corrélation n’est cependant pas invariable, car j’apprends de M. D. Forbes que les moutons espagnols du Chili ressemblent par leur toison et tous leurs autres caractères à leur race parente mérinos, à cela près qu’ils ont quatre cornes au lieu de deux. L’existence d’une paire de mamelles est un caractère générique du genre Ovis, ainsi que des formes voisines ; cependant M. Hodgson a remarqué que ce caractère n’est pas absolument constant, même chez les vrais moutons, car il a une fois rencontré chez des cagias (race domestique du pied de l’Himalaya) des individus portant quatre tétines[4]. Ce cas est d’autant plus remarquable que, lorsqu’un organe ou une partie, comparés aux mêmes organes ou parties dans les groupes voisins, se trouvent en nombre ré-

  1. Youatt, Sheep, p. 120.
  2. Journ. of the Asiat. Soc. of Bengal, vol. XVI, p. 1007, 1016.
  3. Youatt, O. C., p. 142–169.
  4. Journ. Asiat. Soc. of Bengal, vol. XVI, 1847, p. 1015.