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BÊTES BOVINES.

sur l’épaisseur de la peau et des poils est également certaine ; ainsi Roulin assure[1] que dans les Llanos chaudes, les peaux du bétail sauvage sont toujours plus légères que celles des animaux élevés sur le haut plateau de Bogota, et que celles-ci sont encore moins pesantes et moins fournies de poils que celles du bétail redevenu sauvage dans les hauteurs des Paramos. On a observé la même différence entre les peaux des bestiaux élevés dans les froides îles Falkland, ou dans les Pampas tempérés. D’après Low[2], le bétail habitant les parties les plus humides de l’Angleterre a le poil plus long et le cuir plus épais ; et le poil et les cornes sont tellement en corrélation réciproque que, comme nous le verrons par la suite, ils varient ensemble, de sorte que le climat peut affecter indirectement par la peau, la forme et les dimensions des cornes. Comparant le bétail très-amélioré de nos étables aux races plus sauvages, ou comparant les races des montagnes à celles des plaines, il est évident qu’une vie active, nécessitant le libre usage et l’exercice des membres et des poumons, doit affecter les formes et les proportions du corps entier. Il est probable que quelques races, telles que la demi-monstrueuse race des niatas, et quelques particularités, telles que l’absence de cornes, etc., ont dû surgir subitement de ce que nous pouvons appeler une variation spontanée ; mais même dans ce cas une espèce de sélection grossière et une séparation partielle des animaux ainsi caractérisés ont dû intervenir. Cette espèce de précaution paraît avoir été prise même dans des endroits peu civilisés, et où on devait le moins s’y attendre ; dans les cas par exemple des niatas, des chivos, et du bétail sans cornes de l’Amérique du Sud.

Personne ne met en doute les merveilles opérées récemment pour l’amélioration de nos races, par la sélection méthodique. Pendant le cours de son application, il s’est parfois présenté des déviations de structure plus prononcées que ne le sont de simples différences individuelles, sans cependant mériter la qualification de monstruosités, et dont on a profité : ainsi le fameux taureau à longues cornes, Shakespeare, quoique de

  1. Mém. de l’Institut ; Savants étrangers, t. vi, 1835, p. 332.
  2. O. C., p. 304, 368.