Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xi
PRÉFACE.

individus, périssent le plus souvent sans donner naissance à une lignée, parce qu’elles vont se fondre de nouveau dans le réservoir commun de l’espèce. On peut donc dire que le germe d’une race, variété ou espèce nouvelle, se trouve dans chaque individu, que chacun de ces germes peut se développer et possède en lui-même et par lui-même la force et le droit de se développer. Le plus souvent ces germes ne se développent pas, parce que des forces contraires les anéantissent bientôt.

Cela doit-il nous étonner ? Nous savons que plus les chances de non-réussite sont nombreuses, plus aussi le nombre des germes est considérable. Dans les vers intestinaux, des millions d’œufs périssent sans trouver les conditions nécessaires à leur éclosion ; si l’espèce se maintient néanmoins, ce n’est que grâce à cette multiplication inouïe des germes. Nous pouvons donc affirmer que la race, la variété, l’espèce, ne se forment que grâce à cette multiplication infinie des chances de variation qui sommeillent partout, qui sont toujours prêtes à se produire, qui périssent par milliers, mais qui quelquefois se trouvent dans les conditions favorables à leur développement.

Est-il besoin de dire que cette manière de comprendre la variété dans les règnes organiques est plus conforme aux notions actuelles sur la constitution et la liaison réciproque de la matière et de la force, que cette définition de l’espèce dont nous avons hérité, et qui, au milieu du tourbillon vital qui nous entoure, soustrait le type de l’espèce au mouvement universel et à la transformation inces-