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BÊTES BOVINES.

réellement sauvage. Bien que certaines races déjà domestiquées en Europe dès une période très-reculée, descendent des trois espèces fossiles ci-dessus mentionnées, il ne s’ensuit pas qu’elles y aient été domestiquées en premier. Ceux qui attachent de l’importance aux données philologiques croient que notre bétail a été importé d’Orient[1]. Mais comme les races humaines envahissant un pays auront très-probablement appliqué aux races qu’ils y trouvaient domestiquées, leurs propres noms, l’argument ne paraît pas très-concluant. Il paraît probable que notre bétail doit provenir d’une espèce qui a primitivement vécu sous un climat tempéré ou froid, mais pas dans un pays où la neige ait couvert longtemps le sol ; car ainsi que nous l’avons vu dans le chapitre sur les chevaux, il ne paraît pas avoir l’instinct de gratter la neige pour atteindre l’herbe sous-jacente. Personne ne saurait voir les magnifiques taureaux sauvages des froides îles Falkland dans l’hémisphère sud, et douter que ce climat ne leur convienne parfaitement. Azara a observé que dans les régions tempérées de la Plata, les vaches portent dès l’âge de deux ans, tandis que dans le climat bien plus chaud du Paraguay, elles ne portent qu’à trois ans, d’où il conclut que le bétail ne réussit pas aussi bien dans les pays chauds[2].

Les trois formes fossiles susmentionnées du Bos, ont été regardées par presque tous les paléontologistes comme des espèces distinctes, et il ne serait pas raisonnable de changer leurs noms parce qu’on reconnaît aujourd’hui qu’elles sont les ancêtres de nos diverses races domestiques. Mais ce qui nous importe surtout, et prouve qu’elles méritent d’être considérées comme espèces différentes, est le fait qu’ayant coexisté pendant la même période dans diverses parties de l’Europe, elles sont cependant demeurées distinctes. D’autre part, leurs descendants domestiques, si on ne les sépare pas, se croisent librement et se mélangent entre eux. Les diverses races européenne ont été si fréquemment croisées, avec ou sans intention, que si de pareilles unions s’étaient trouvées stériles, on en aurait fait la remarque. Les zébus habitant une région très-

  1. Idem, ibid, t. iii, p. 82, 91.
  2. Quadrupèdes du Paraguay, t. ii, p. 360.