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EFFET DE LA CHALEUR.

Voici quelles furent mes expériences et la façon dont je procède. Je coupe des feuilles, et je dois faire remarquer tout d’abord que cela n’a pas la moindre influence sur leur puissance d’action ; par exemple, j’ai placé des petits morceaux de viande sur 3 feuilles coupées, placées dans un endroit humide ; au bout de vingt-trois heures les tentacules et la feuille elle-même s’étaient complètement infléchis pour embrasser la viande et le protoplasma des cellules était complètement agrégé. Je place dans une capsule de porcelaine 3 onces (93 grammes) d’eau, provenant d’une double distillation, et je plonge obliquement dans cette eau un thermomètre très-sensible ayant un long réservoir. L’eau est portée graduellement à la température requise au moyen d’une lampe à alcool dont je dirige la flamme alternativement sur toutes les parties de la capsule ; dans tous les cas, j’agite les feuilles pendant quelques minutes tout auprès du réservoir du thermomètre. Je plonge ensuite les feuilles dans l’eau froide ou dans une solution de carbonate d’ammoniaque. Dans d’autres cas, je laisse les feuilles dans l’eau, portée à une certaine température, jusqu’à ce que cette eau se soit refroidie. Dans d’autres cas encore, je plonge brusquement les feuilles dans de l’eau portée à une certaine température et je les y laisse pendant un laps de temps déterminé. Si l’on considère que les tentacules sont extrêmement délicats et qu’ils ont des parois très-minces, il n’est guère possible que le liquide contenu dans les cellules ne soit pas porté à la même température que l’eau environnante, ou qu’il y ait tout au plus 4 degré ou 2 de différence. Il m’aurait semblé, d’ailleurs, parfaitement superflu de prendre d’autres précautions, car les feuilles présentent quelques légères différences dans leur sensibilité à la chaleur, selon qu’elles sont plus ou moins âgées, ou qu’elles ont une constitution un peu différente.

    à 60° centig., soit 122° à 140°F. Max Schultze et Kühne (cités par le docteur Bastian dans la Contemp. Review, 1874, p. 528) « ont trouvé que le protoplasma des cellules des plantes sur lesquelles ils ont expérimenté a toujours été tué ou a toujours été profondément altéré par une brève exposition à une température de 118°5 F. (48° centig.) au maximum ». Comme mes résultats sont déduits de phénomènes spéciaux, c’est-à-dire l’agrégation subséquente du protoplasma et le redressement des tentacules, il me semble utile de les indiquer. Nous verrons que le Drosera résiste à la chaleur un peu mieux que la plupart des autres plantes. Il n’est pas étonnant que l’on trouve des différences considérables sous ce rapport si l’on considère que quelques organismes végétaux inférieurs croissent dans les sources d’eau chaude ; on peut consulter à cet égard les faits cités par le professeur Wyman (American journal of Science, vol. XLIV, 1867.) Ainsi, le docteur Hooker a trouvé des conferves dans de l’eau à 168° F. (75°,5 centig.) ; Humboldt dans de l’eau à 185° F (85° centig.) et Descloiseaux à 208° F. (97°,7 centig.).