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DIONÆA MUSCIPULA.

inertes après s’être rouvertes. Elles sont ordinairement si complétement inertes pendant bien des jours, qu’aucune excitation des filaments ne provoque le moindre mouvement. Dans un cas cependant, le lendemain de la réouverture d’une feuille qui avait capturé une mouche, elle se referma avec une extrême lenteur quand je touchai un des filaments ; or, bien que je n’aie laissé aucun objet dans la feuille, elle était si inerte qu’elle ne se rouvrit, pour la seconde fois, qu’au bout de quarante-quatre heures. Dans un second cas, une feuille qui s’était redressée après être restée fermée pendant neuf jours au moins sur une mouche mit en mouvement, à la suite de nombreuses excitations, un seul de ses lobes, et conserva cette position anormale pendant les deux jours suivants. Un troisième cas offre l’exception la plus extraordinaire que j’aie pu observer ; une feuille, après être restée fermée sur une mouche pendant un laps de temps inconnu, finit par se rouvrir ; je touchai un de ses filaments, et elle se referma, bien qu’assez lentement. Le docteur Canby, qui a pu observer aux États- Unis un grand nombre de plantes qui, bien que ne se trouvant pas dans leur pays natal, étaient probablement plus vigoureuses que les miennes, m’informe qu’il a vu « souvent des feuilles vigoureuses dévorer une proie à plusieurs reprises ; mais qu’ordinairement la digestion de deux insectes, ou plus souvent encore d’un seul, suffit à les mettre hors de service ». Mme Treat, qui a cultivé beaucoup de Dionées dans le New-Jersey, m’apprend aussi que « plusieurs feuilles ont pris successivement trois insectes chacune, mais que la plupart d’entre elles ne pouvaient pas digérer la troisième mouche et mouraient en essayant de le faire. Toutefois, cinq feuilles ont digéré chacune trois mouches et se sont refermées sur une quatrième, mais elles sont mortes peu de temps après cette quatrième capture. Beaucoup de feuilles n’ont même pas pu digérer un gros insecte. » Il semble donc que la puissance digestive de la