Page:Darwin (trad. Barbier) — Les plantes insectivores, 1877.pdf/378

Cette page a été validée par deux contributeurs.
356
DIONÆA MUSCIPULA.

sensibilité et se ferma quand je touchai un des filaments ; les lobes se rouvrirent au bout de vingt heures. Enfin, j’exposai une autre feuille, pendant quatre minutes, à la vapeur de quatre gouttes d’éther seulement ; elle devint assez insensible pour ne pas se fermer à la suite d’attouchements répétés exercés sur les filaments, mais elle se ferma quand je coupai l’extrémité de la feuille. Cette dernière expérience prouve que les parties intérieures de la feuille n’avaient pas été rendues insensibles, ou qu’une incision est un stimulant plus puissant que de nombreux attouchements sur les filaments. Je ne saurais dire si les doses plus fortes de chloroforme ou d’éther qui ont provoqué la lente fermeture des feuilles ont agi sur les filaments sensitifs ou sur la feuille elle-même.

Du cyanure de potassium placé dans une bouteille engendre de l’acide prussique ou cyanhydrique. J’ai exposé une feuille, pendant une heure trente-cinq minutes, aux vapeurs ainsi formées. Durant ce laps de temps, les glandes devinrent si incolores, si ratatinées qu’elles étaient à peine visibles, et je pensai d’abord qu’elles s’étaient toutes détachées de la feuille. Toutefois, la feuille ne devint pas insensible, car elle se ferma dès que je touchai un des filaments, mais elle avait certainement souffert, car elle ne se rouvrit qu’au bout de deux jours et semblait avoir perdu toute sa sensibilité. Cependant, au bout d’un autre jour, elle recouvra toutes ses facultés et se referma quand je touchai un des filaments, pour se rouvrir ensuite. Une autre feuille, exposée pendant un temps plus court à la même vapeur, se comporta presque exactement de la même façon.

Mode de capture des insectes. — Examinons actuellement l’action des feuilles quand des insectes touchent un des filaments sensitifs. Ce fait s’est présenté souvent dans ma serre ; toutefois, je ne saurais dire si les insectes sont attirés d’une manière spéciale par les feuilles. Dans son pays natal, la Dionée capture un grand nombre d’insectes. Dès qu’un filament est touché, les deux lobes se ferment avec une rapidité étonnante ; et, comme ils font entre eux moins d’un angle droit, ils ont beaucoup de chance de capturer les insectes qui se sont aventurés dans l’espace qui les sépare. L’angle qui existe entre le limbe et la tige ne se modifie pas quand les lobes se ferment. Le siège principal du mouvement se trouve près de la côte centrale,