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DIGESTION.

nant une partie d’urée pour 437 parties d’eau, et au bout de vingt-quatre heures la couche orange de protoplasma contenue dans les bras de ces processus ne parut pas plus agrégée que dans d’autres spécimens plongés dans l’eau. J’essayai alors de suspendre une feuille dans une bouteille au-dessus d’une infusion très-putride de viande crue, pour voir si ces processus absorberaient la vapeur, mais leur contenu ne fut pas affecté.

Puissance digestive de la sécrétion[1]. — Quand une feuille se referme sur un objet quel qu’il soit, on peut dire que cette feuille se transforme en un estomac temporaire. Si l’objet enfermé fournit des matières animales en si petite quantité que ce soit, ces matières servent, pour employer l’expression de Schiff, de peptogène, et les glandes de la surface déversent leurs sécrétions acides, qui agissent comme le suc gastrique des animaux. J’avais fait tant d’expériences sur la puissance digestive du Drosera, que j’en fis quelques-unes seulement sur la Dionée, mais elles sont plus que suffisantes pour prouver que cette feuille digère. En outre, cette plante n’est pas si propre que le Drosera aux observations, car la digestion

  1. Le docteur W. Ganby de Wilmington, à l’obligeance duquel je dois de nombreux détails sur la Dionée à l’état sauvage, a publié dans le Gardener’s Monthly, Philadelphie, août 1868, quelques observations intéressantes. Il s’est assuré que la sécrétion digère les substances animales telles que le contenu des insectes, les morceaux de viande, etc., et que la sécrétion est réabsorbée. Il savait aussi que les lobes restent fermés beaucoup plus longtemps quand ils se trouvent en contact avec des matières animales que quand ils se ferment à la suite d’un attouchement ou sur des corps qui ne fournissent aucun aliment soluble ; il savait, en outre, que, dans ces derniers cas, les glandes ne sécrètent pas. Le révérend docteur Curtis a observé le premier la sécrétion des glandes (Boston Journal nat. hist., vol. I, p. 123). Je puis ajouter ici qu’un jardinier, M. Knight a, dit-on, observé (Kirby et Spencer, Introduction to Entomology, 1818, vol. I, p. 295) qu’un plant de Dionée sur les feuilles duquel « il plaçait des filaments très-fins de bœuf cru, avaient une végétation beaucoup plus puissante que ceux qu’il ne traitait pas de la même façon ».