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DROSERA BINATA.

niaque (1 partie pour 437 parties ou pour 218 parties d’eau) : tous les tentacules situés à la surface supérieure de la feuille s’infléchirent bientôt fortement, tandis que les tentacules dorsaux ne bougèrent pas, bien que les feuilles eussent séjourné pendant plusieurs heures dans la solution, et que la couleur noire des glandes ait prouvé qu’ils avaient évidemment absorbé une certaine quantité de sel. Il faut choisir pour ces expériences des feuilles assez jeunes, car les tentacules dorsaux, quand ils deviennent vieux, et qu’ils commencent à se faner, s’inclinent souvent spontanément vers le milieu de la feuille. La faculté du mouvement possédée par ces tentacules ne les aurait pas rendus plus utiles à la plante ; ils ne sont pas, en effet, assez longs pour se replier autour du bord de la feuille, de façon à atteindre un insecte capturé par la partie supérieure. Il eût été inutile aussi que ces tentacules pussent se mouvoir vers le milieu de la surface dorsale, car il ne se trouve là aucune glande visqueuse qui puisse capturer les insectes. Bien que ces tentacules n’aient pas la faculté du mouvement, ils rendent probablement quelques services à la feuille en absorbant les matières animales de quelque petit insecte qu’ils ont pu capturer, et en absorbant aussi l’ammoniaque qui se trouve dans l’eau de pluie. Mais le fait même qu’ils n’existent pas toujours, que leur grandeur varie beaucoup, que leur position est irrégulière, indique qu’ils ne rendent pas beaucoup de services à la plante et qu’ils tendent à disparaître. Nous verrons dans un chapitre subséquent que le Drosophyllum, avec ses feuilles allongées, représente probablement la condition d’un des ancêtres primitifs du genre Drosera ; or, aucun des tentacules du Drosophyllum, pas plus ceux situés à la surface supérieure des feuilles que ceux situés à la surface inférieure, ne sont capables de bouger quand on les excite, bien qu’ils capturent de nombreux insectes qui servent à l’alimentation de la feuille. Il semble donc que le Drosera binata a conservé des restes de certains caractères primitifs, c’est-à-dire quelques tentacules immobiles situés à la partie inférieure des feuilles et des glandes sessiles assez bien développées, caractères qu’ont perdu toutes ou presque toutes les autres espèces de ce genre[1].

  1. M. Édouard Morren a étudié le Drosera binata Labill. de la Nouvelle-Hollande (voyez J.-E. Planchon, sur la famille des Droseracées ; Ann. Sciences naturelles, 1848, p. 206.) qu’il a cultivé en serre. La feuille, dit-il, offre quatre divisions longues et étroites, légèrement creusées en gouttière et hérissées de tentacules de longueur variée : les marginaux ont jusqu’à cinq millimètres de long et sont couverts de grands stomates dont l’ostiole a souvent 0,02 de millim. de longueur. Ces tentacules agissent comme ceux des Drosera européens et M. Morren a vérifié tous les phénomènes