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et s’inclinent de plus en plus en dehors ; les pédicelles de ces derniers sont pourpres. Les tentacules, placés sur le rebord même de la feuille, s’étendent dans le même plan que celle-ci, ou plus ordinairement ils sont considérablement réfléchis (voir fig. 2). Quelques tentacules s’élèvent de la base, de la queue ou pétiole ; ce sont les plus longs de tous, car ils atteignent quelquefois près d’un quart de pouce (6 millim.) de longueur. Sur une feuille portant 252 tentacules, le nombre des tentacules courts du disque, ayant des pédicelles verts, était au nombre des tentacules plus longs du bord et de l’extrême bord, ayant des pédicelles pourpres, comme 9 est à 16.

Un tentacule consiste en un pédicelle, droit, mince, ressemblant à un poil, et portant une glande à l’extrémité supérieure. Le pédicelle est quelque peu aplati et est formé par plusieurs rangées de cellules allongées, remplies d’un fluide pourpre ou de matières granuleuses[1]. On remarque cependant chez les longs tentacules, juste au-dessous de la glande, une zone étroite de couleur verte, et, près de la base, une zone plus large, verte aussi, Des vaisseaux spiraux, accompagnés de simples tissus vasculeux, partent des membranes vasculaires de la feuille et traversent les tentacules pour aboutir dans les glandes.

Plusieurs physiologistes éminents ont longuement discuté sur la nature homologique de ces appendices ou tentacules ; la question est, en effet, de savoir s’il faut les considérer comme des poils (trichomes) ou comme des prolongements de la feuille. Nitschke a démontré qu’on trouve dans ces appendices tous les éléments propres à la feuille, et le fait qu’ils contiennent des tissus vasculaires eût été autrefois une preuve suffisante que ce ne sont que de simples prolongements de la feuille ; mais on sait aujourd’hui que ces vaisseaux pénètrent quelquefois dans les vrais poils[2]. La faculté de se mouvoir que possèdent ces appendices est un fort argument pour ne pas les considérer comme des poils. Je donnerai, dans le chapitre xv, la conclusion qui me

  1. Selon Nitschke (Bot. Zeitung, 1861, p. 224), le fluide pourpre provient de la métamorphose de la chlorophylle. M. Sorby a examiné cette matière colorante à l’aide du spectroscope, et il me dit qu’elle se compose de l’espèce la plus commune d’érythrophylle « que l’on trouve souvent dans les feuilles qui ont peu de vitalité et dans les parties de la feuille, telles que le pétiole, qui accomplissent de façon imparfaite les fonctions propres à la feuille. Tout ce que l’on peut donc dire, c’est que les poils (ou tentacules) sont colorés comme l’est la partie d’une feuille qui ne remplit pas ses fonctions. »
  2. Le Dr Nitschke a discuté ce sujet dans la Bot. Zeitung, 1861, p. 241, etc. Voir aussi le Dr Warming (Sur la différence entre les Trichomes, etc., 1873), qui renvoie à diverses autres publications. Voir aussi Groenland et Trécul, Annales des sc. nat. Bot. (4e série), t. III, 1855, p. 297 et 303.