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DROSERA ROTUNDIFOLIA

degré d’inflexion. Toutefois, dans quatre cas, l’inflexion a été rapide, car elle s’est produite en moins d’une demi-heure, ou tout au plus en cinquante minutes. Par contre, dans trois cas, la solution de phosphate n’a produit aucun effet. Or, que conclure de ces faits ? Dix essais différents nous ont prouvé que l’immersion dans l’eau distillée suffit pour prévenir l’action subséquente de la solution de phosphate d’ammoniaque. On pourrait donc conclure que les solutions de chlorure de manganèse, d’acide tannique et d’acide tartrique qui ne sont pas des poisons, agissent exactement comme l’eau, car le phosphate d’ammoniaque n’a provoqué aucun effet chez les feuilles qui avaient été précédemment plongées dans ces trois solutions. La plus grande partie des autres solutions a exercé, dans une certaine mesure, une action semblable à celle de l’eau, car le phosphate d’ammoniaque n’a produit, après un laps de temps considérable, qu’un effet très-léger sur les feuilles plongées dans ces solutions. D’autre part, le phosphate d’ammoniaque a produit un effet rapide sur les feuilles plongées dans des solutions de chlorure de rubidium et de magnésium, d’acétate de strontiane, d’azotate de baryte et d’acide citrique. Or, faut-il conclure que les feuilles ont absorbé l’eau de ces cinq faibles solutions, et que, cependant, grâce à la présence des sels, l’action subséquente du phosphate n’a pas été empêchée ? Ou bien, ne pouvons-nous pas supposer que les interstices des parois des glandes ont été bouchés par les molécules de ces cinq substances, de sorte qu’elles sont devenues imperméables ? Ne savons-nous pas, en effet, d’après les dix expériences dont nous avons parlé plus haut, que si l’eau avait pénétré dans les glandes, le phosphate n’aurait ensuite produit aucun effet[1] ? Il paraît, en outre, que les molécules du carbonate d’ammoniaque

  1. Voir les curieuses expériences du Dr M. Traube sur la production des cellules artificielles et sur leur perméabilité pour différents sels. On trouvera les détails de ces expériences dans les mémoires, suivants du docteur : « Experimente zur Theorie der Zellenbildung und Endosmose », Breslau, 1866 ; et « Experimente zur physicalischen Erklärung der Bildung der Zellhaut, ihres Wachsthums durch Intussusception », Breslau, 1874. Ces recherches expliquent peut-être les résultats que j’ai obtenus. Le Dr Traube a employé ordinairement, comme membrane, le précipité qui se forme quand l’acide tannique se trouve en contact avec une solution de gélatine. En laissant se former en même temps un précipité de sulfate de baryte, la membrane est imprégnée de ce sel ; et, en conséquence de l’interposition des molécules de sulfate de baryte au milieu des molécules du précipité de gélatine, les interstices moléculaires de la membrane deviennent plus petits. Dans cet état, la membrane ne se laisse plus traverser par le sulfate d’ammoniaque ou par l’azotate de baryte, bien qu’elle soit encore perméable pour l’eau et pour le chlorure d’ammoniaque.