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PUISSANCE DIGESTIVE.

Brunton essaya aussi de la chlorophylle préparée d’après la formule indiquée dans le codex anglais et l’exposa, pendant cinq jours, à la température de 37° centig., à l’action du suc gastrique artificiel. La chlorophylle ne diminua pas de volume, bien que le liquide ait pris une teinte légèrement brune. On essaya aussi cette substance avec de la glycérine extraite du pancréas ; mais le résultat fut tout à fait négatif. D’ailleurs, la chlorophylle ne semble pas être affectée non plus par les sécrétions intestinales des différents animaux, à en juger par la couleur de leurs excréments.

Il ne faudrait toutefois pas conclure de ces faits que la sécrétion n’exerce aucune action sur les grains de chlorophylle, tels qu’ils existent dans les plantes vivantes ; ces grains, en effet, se composent de protoplasma coloré simplement par la chlorophylle. Mon fils Francis plaça sur une feuille de Drosera une tranche mince de feuille d’épinards humectée avec de la salive et d’autres tranches de la même feuille sur de la ouate humide, en ayant soin d’exposer le tout à la même température. Au bout de 19 heures, la tranche placée sur la feuille de Drosera baignait dans d’abondantes sécrétions provenant des tentacules infléchis ; il la retira alors pour l’examiner au microscope. Il ne put observer aucun grain parfait de chlorophylle ; les uns étaient ratatinés, affectant une couleur vert jaunâtre et rassemblés au centre des cellules ; les autres étaient désagrégés et formaient une masse jaunâtre, rassemblée aussi au milieu des cellules. D’autre part les grains de chlorophylle des tranches placées sur la ouate humide étaient aussi verts et aussi intacts qu’auparavant. Mon fils plaça aussi quelques tranches de la même feuille d’épinard dans du suc gastrique artificiel, qui exerça sur elles à peu près la même action qu’avait fait la sécrétion. Nous avons vu que des morceaux de feuilles fraîches de chou et d’épinards provoquent l’inflexion des tentacules et causent chez les glandes d’abondantes sécrétions acides ; or, il est très-probable que c’est le protoplasma constituant les grains de chlorophylle ainsi que le revêtement des parois des cellules qui excite les feuilles.

Graisses et huiles. — Les angles de cubes de graisses crues presque pures, placés sur plusieurs feuilles, ne furent arrondis en aucune façon. Nous avons vu aussi que les globules huileux du lait ne sont pas digérés. Des gouttes d’huile d’olive placées sur le limbe des feuilles ne provoquent aucune inflexion ; toutefois, l’inflexion est considérable chez les feuilles plongées dans l’huile d’olive ; mais j’aurai à revenir sur ce point. Le suc gastrique des animaux ne digère pas les matières huileuses.