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DROSERA ROTUNDIFOLIA.

modérément rôtie ; au bout de douze heures, les feuilles étaient complètement infléchies. Au bout de quarante-huit heures, j’ouvris une feuille avec beaucoup de soin ; le morceau de viande consistait alors en une petite sphère centrale, en partie digérée, et entourée par une épaisse enveloppe de liquide visqueux transparent. Je plaçai le tout sous un microscope en ayant soin de ne rien déranger. Dans la partie centrale, les stries transversales des fibres musculaires étaient tout à fait distinctes et il était fort intéressant d’observer leur disparition graduelle à l’endroit où la fibre était entraînée dans le liquide environnant. Les stries de ces fibres étaient remplacées par des lignes transversales, consistant en points noirs extrêmement petits, que l’on ne pouvait observer vers l’extérieur qu’en se servant d’un grossissement considérable ; ces points finissaient ensuite par disparaître. À l’époque où j’ai fait ces observations, je n’avais pas lu le récit des expériences de Schiff[1] sur la digestion de la viande par le suc gastrique, et je ne comprenais pas la signification des points noirs. Cette signification devient évidente quand on a lu le passage suivant, qui nous permet en outre de juger combien la digestion par le suc gastrique se rapproche de la digestion opérée par la sécrétion du Drosera :

« On a dit que le suc gastrique faisait perdre à la fibre musculaire ses stries transversales. Ainsi énoncée, cette proposition pourrait donner lieu à une équivoque, car ce qui se perd ce n’est que l’aspect extérieur de la striature et non les éléments anatomiques qui la composent. On sait que les stries qui donnent un aspect si caractéristique à la fibre musculaire, sont le résultat de la juxtaposition et du parallélisme des corpuscules élémentaires, placés, à distances égales, dans l’intérieur des fibrilles contiguës. Or, dès que le tissu connectif qui relie entre elles les fibrilles élémentaires vient à se gonfler et à se dissoudre, et que les fibrilles elles-mêmes se dissocient, ce parallélisme est détruit et avec lui l’aspect, le phénomène

  1. Leçons phys. de la digestion, t. II, p. 145.