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PUISSANCE DIGESTIVE.

du papier buvard une partie du liquide qui reposait sur le limbe des feuilles et j’ajoutai quelques gouttes d’acide chlorhydrique dilué dans la proportion d’une partie d’acide pour 200 parties d’eau. J’employai de l’acide mélangé dans ces fortes proportions parce que les solutions d’alcali étaient elles-mêmes très-fortes. La digestion commença immédiatement de telle sorte que, quarante-huit heures après l’addition de l’acide, les 4 cubes d’albumine étaient non-seulement complètement dissous, mais la plus grande partie de l’albumine liquéfiée était absorbée.

Onzième expérience. — Je plaçai sur deux feuilles deux cubes d’albumine ayant 1/40e de pouce, soit 0,635 millimètres de côté, et je les traitai avec l’alcali de la même façon que dans l’expérience précédente. J’obtins exactement les mêmes résultats ; en effet, au bout de vingt-deux heures, les angles de ces cubes étaient encore parfaitement aigus, ce qui prouve que la digestion avait été complètement arrêtée. Je voulus alors déterminer quel serait l’effet d’une solution plus puissante d’acide chlorhydrique ; en conséquence, je plaçai sur la feuille quelques gouttes d’acide à 1 p. 100. Cette solution était sans doute trop forte, car, quarante-huit heures après l’addition de l’acide, l’un des cubes avait conservé sa forme presque parfaite et l’autre n’était que très-légèrement arrondi ; tous deux, en outre, s’étaient teintés de rose. Ce dernier fait prouve que les feuilles avaient été attaquées[1], car, pendant la digestion normale, l’albumine ne se colore pas et nous comprenons, par conséquent, pourquoi les cubes ne s’étaient pas dissous.

Ces expériences nous prouvent clairement que la sécrétion a le pouvoir de dissoudre l’albumine ; elles nous prouvent, en outre, que l’addition d’un alcali arrête la digestion qui recommence immédiatement dès qu’on neutralise l’alcali au moyen d’une faible solution d’acide chlorhydrique. En admettant même que mes expériences se fussent bornées là, j’aurais presque acquis la preuve suffisante que les glandes du Drosera sécrètent un ferment analogue à la pepsine qui, en présence d’un acide, com-

  1. Sachs fait remarquer (Traité de Bot., 1874, p. 774) que les cellules tuées par la gelée, par une trop grande chaleur, ou par des agents chimiques, laissent échapper leur matière colorante dans l’eau qui les entoure.