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plus ne l’est le théologien orphique chantant le Zeus universel :

 
Zeus a été le premier, Zeus est le dernier, Zeus le maître de la foudre ;
Zeus est la tête, Zeus est le centre, c’est de Zeus que toutes choses sont faites :
Zeus est le mâle, Zeus est la femelle immortelle,
Zeus est la base et de la terre et du ciel étoilé ;
Zeus est le souffle des vents, Zeus est le jet de la flamme indomptable,
Zeus est la racine de la mer, Zeus est le soleil et la lune…
Tout cet univers s’étend dans le grand corps de Zeus…[1]


De même la Perse, quoiqu’elle ait en général conservé fidèlement la personnalité de son dieu suprême, le laisse, surtout dans les sectes, se confondre avec l’infini matériel qui en fut la première révélation. Après avoir invoqué dans le ciel « le corps d’Ahura Mazda, le plus beau des corps », elle mit au-dessus d’Ahura lui-même et avant lui l’espace lumineux où il se manifeste, ce que les théologiens appelèrent « la Lumière infinie » et, par une abstraction nouvelle et plus haute, elle mit au début du monde l’Espace[2]. Entre ce principe tout métaphysique et le principe naturaliste de la religion primitive, il n’y a que la distance de deux abstractions : l’Espace n’est que la forme nue de l’Infini lumineux, et l’Infini lumineux s’est détaché du ciel infini et lumineux, identique à Ahura.

Selon donc que la pensée voyait dans le ciel le lieu des choses ou la cause des choses, le dieu du ciel devenait la

  1. πάντα γὰρ Ζηνὸς μεγάλῳ τάδε σώματι κεῖται…
  2. Dans d’autres systèmes, partant de l’éternité du Dieu et non plus de son immensité, elle aboutit au Temps sans bornes comme premier principe.