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fil de la prière que je tresse. Ne nous livre pas aux morts qui, à ton impulsion, ô Asura, frappent qui commet le crime : oh ! ne nous envoie pas dans les régions qui sont au loin de la lumière.

« Fais-moi payer la dette de mes fautes : mais que je ne souffre pas, ô roi, pour le crime d’autrui ; il y a tant d’aurores qui n’ont pas encore brillé ! Fais-nous les vivre, ô Varuna[1] ! »

Tel est le dieu suprême de la religion védique, dieu organisateur, tout puissant, omniscient, moral. Voici un hymne védique qui résume avec une force singulière les attributs essentiels du dieu :

« Celui qui dans les hauteurs gouverne le monde voit toutes choses comme si elles étaient sous sa main ;… ce que deux hommes, assis l’un près de l’autre, complotent, le roi Varuna l’entend, lui troisième.

« Cette terre appartient au roi Varuna, et ce ciel, ces deux mondes sublimes, aux bornes lointaines ; les deux mers[2] sont le ventre de Varuna, et jusque dans cette petite mare d’eau il repose.

« Qui sauterait par-dessus le ciel et au-delà, il n’échapperait pas au roi Varuna : il a ses espions, les espions du ciel qui parcourent le monde, il a ses mille yeux qui regardent la terre.

« Il voit tout, le roi Varuna, tout ce qui est entre les deux mondes et au-delà ; il compte les clignements d’œil de toutes les créatures : le monde est dans ses mains comme les dés aux mains du joueur.

« Tes liens septuples, ô Varuna, tes liens de colère qui par trois fois s’enchaînent, qu’ils enchaînent l’homme aux

  1. Rig Veda, VII, 86, 3 ; 2, 28, 5.
  2. La mer terrestre et celle des nuées.