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l’Allemagne ont une mission bien déterminée, mission immédiate et particulière, on peut se demander quelle est la mission de la France. On peut se demander quels motifs elle peut avoir de conserver son établissement militaire. Il est absolument certain que la France n’a plus aucun rôle guerrier à jouer en Europe ; j’insiste sur le mot rôle ; elle peut avoir à accomplir, en s’appuyant sur la force, une grande œuvre ; par exemple, l’abolition du militarisme ; mais son intervention dans les affaires du monde, sous des prétextes spécieux couvrant mal des prurits de gloire à panache, ne pourrait être expliquée par le bon sens ni excusée par le sentiment, et ne saurait être supportée. La France, il serait puéril de le nier, ne s’est jamais relevée du coup qui lui fut porté en 1870. Son commerce, sa marine marchande, son industrie, son prestige artistique et intellectuel, ont subi des atteintes sur lesquelles il serait oiseux d’insister. Le seul relèvement auquel on pourrait ajouter foi serait son relèvement militaire, auquel tout fut sacrifié et qui peut cependant, hélas ! faire l’objet de bien des doutes. Mais, encore une fois, en admettant que la puissance de cette armée soit indiscutable, quelle tâche peut lui être réservée ? On n’en voit point d’autre, en vérité, que la reprise de l’Alsace-Lorraine. Et si c’est là la mission de l’armée française, on ne peut s’étonner que d’une chose : c’est qu’elle ne l’ait pas encore remplie. L’entreprise eût été, de tout temps, difficile ; mais elle devient de plus en plus malaisée. Les ressources de l’Allemagne en hommes, etc., augmentent tous les jours ; et celles de la France décroissent en proportion. Sur quoi une question, nécessairement, se pose : le jeu vaudrait-il la chandelle ? Les honnêtes gens qui dirigent la France à tour de rôle — qui la dirigent vers l’abîme — répondraient : oui, sans hésiter. Mais ils le pensent si peu, eux et leurs ouailles, qu’ils ont fait les efforts les plus désespérés et les plus honteux pour donner à l’armée une raison d’être dont le caractère général fût, sinon plus sérieux, du moins plus séduisant et plus propre à susciter des illusions. Ils conclurent, grâce