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d’infamie la pierre de son tombeau ?… Une idée me vient, tout d’un coup, quelques instants après ma sortie du ministère. Il y a quelqu’un, à Paris, qui est certainement au courant des moindres détails de la vie de mon père ; c’est la baronne de Haulka. Je ne connais pas la baronne, que j’ai simplement aperçue deux ou trois fois ; mais je n’ai jamais entendu mon père, assez sarcastique et assez rancunier, parler d’elle d’une façon défavorable. Il n’hésitait même jamais à reconnaître qu’elle ne lui avait donné que d’excellents conseils. Et pourquoi, si je lui expose la situation difficile dans laquelle je me trouve, refuserait-elle de me donner les renseignements qu’il me faut ?

Je prends un fiacre et me fais conduire chez la baronne, dont je me rappelle heureusement l’adresse. Elle est chez elle, et me reçoit immédiatement.

La baronne est une femme de taille moyenne, plutôt mince, pâle et brune ; elle a quarante-cinq ans au moins, mais on lui en donnerait à peine quarante ; le front est d’une idéaliste, mais le menton indique la décision rapide et la force de caractère. Les yeux sont très beaux, d’un grand silence imperturbable ; c’est comme de la lumière qui dort. Les lèvres sont fines, et il y a, à leurs commissures, un petit pli désespéré ; les mouvements sont pleins de grâce, mais discrets, presque timides. La baronne s’exprime en français avec une facilité et une élégance rares. Elle m’assure aimablement de toute sa sympathie, et me met si bien à mon aise, et d’une façon tellement naturelle, et si délicatement, que je n’éprouve aucune difficulté à lui exposer l’objet de ma visite.

La baronne, quand j’ai fini, reste un moment silencieuse.

— Ce que vous m’apprenez, dit-elle enfin, me surprend plus que je ne saurais dire. Le général Maubart, je le sais, n’était pas en fort bons termes avec le général de Lahaye-Marmenteau ; pourtant, ils n’étaient point animés,