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réussi ; pourquoi ne me réussiraient-elles point, à moi ? Je plaisante, je ris, je blague, je fais du bruit, de la poussière et de l’esbrouffe ; je joue au bon garçon et au bon diable ; je mélange une inconscience voulue à une franchise maquignonnée ; je commence à entrer dans la peau du bonhomme. Ça prend, ça prend. Ça prend même sur moi ; je vois les choses sous un nouvel aspect, très riant. Les amitiés, les sympathies, les appréciations flatteuses pleuvent. Et lorsque le czar vient à Paris, en octobre, lorsque l’État-Major français doit préparer, de concert avec un représentant de Sa Majesté, la grande revue que ladite Majesté passera à Châlons, savez-vous qui est désigné pour donner à l’illustre Moscovite tous les renseignements qu’il peut désirer ? C’est moi. Je suis spécialement attaché à la personne du célèbre tacticien russe, le général Knoutkoff.



L’aigrefin que la République a choisi pour président ayant été contempler à Saint-Pétersbourg les clefs d’un grand nombre de villes françaises et les drapeaux de la Grande Armée, le czar lui rend sa politesse. Le czar vient en France, vient à Paris. Quel bonheur ! « Qu’est-ce que c’est que le bonheur ? écrit Nietzsche. C’est sentir que notre pouvoir augmente, qu’une résistance est surmontée. » Les Français sont heureux parce qu’ils sentent que leurs facultés serviles se développent, qu’ils ont maîtrisé la répugnance que causent les définitifs avilissements. Le peuple français possède aujourd’hui cette alliance russe qu’il a achetée au prix de tant de palinodies et de tant d’abjections ; « alliance naturelle » des « Fils de Bélial » et des « Diables rouges » avec les Saints Cosaques et les Chevaliers du Knout ; alliance naturelle — mais oui ! — du lâche tortionnaire Prudhomme avec l’infâme geôlier de