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suis pas dedans. J’établirai les faits suivants : d’abord, on a calomnié mon fils, on a mis dans sa bouche des propos qu’il n’a jamais tenus, afin de commencer une campagne contre moi ; ensuite on s’attaque à moi, c’est-à-dire à toute l’armée française, afin de peser sur Hablez et de faire chanter à tue-tête cet honorable industriel. Il ne doit pas être dit qu’on peut insulter impunément les défenseurs de la patrie. Je demanderai donc des compensations pour mon fils et pour moi ; pour mon fils, les galons de capitaine qu’il devrait avoir depuis longtemps ; pour moi-même, un Corps d’armée.

— Un Corps d’armée ! s’exclame Raubvogel qui semble s’affaisser dans un fauteuil.

— Ni plus ni moins, dit mon père. J’ai des états de service, mon vieux lapin, comme pas un des cocos qui sont ici. J’ai été à Nourhas, vous savez, bien qu’on fasse semblant de l’oublier. Et j’ai commandé en chef devant l’ennemi, au Garamaka. J’ai droit à un Corps d’armée, et je l’aurai. Comment ! On fout Lahaye-Marmenteau à la tête de l’État-Major, et on me refuserait un Corps d’armée. Qu’on s’en avise ! Vous savez, le ministre, avec son flair d’artilleur ? Hein ? Hein ? Son flair ! Faudrait pas qu’il me le mette dans le nez, son flair ! Sa femme est Anglaise, d’abord ; et le mari d’une Anglaise dirigeant la Défense nationale, ça peut sembler drôle. De plus, c’est un réactionnaire, et je n’ai qu’à dire la moitié de ce que je sais pour l’asseoir sur le pavé du boulevard Saint-Germain, sans paillasson. Pas de Corps d’armée ? Je pose ma candidature au ministère. Toute la presse républicaine me soutiendra. On m’a déjà fait des propositions, vous savez. Il n’y en a pas à revendre, des généraux républicains. Moi, j’ai des convictions ; mes vieilles convictions démocratiques. C’est ça qui me soutient. Voyons, mon garçon, dit-il en s’adressant à moi, tu vas accompagner le cousin ; nous nous reverrons ce soir. Je suis sûr que j’aurai