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somme qui représentait au moins trois fois le capital qu’elle avait engagé. M. de Saint-Joséphin, tout chargé d’or, se mit donc en route pour Paris, où l’attendait le cousin Raubvogel, tout prêt à procéder à une juste répartition. Malheureusement, Camille Dreikralle et Ganivais avaient pris les devants et avaient été attendre M. de Saint-Joséphin à Marseille. Je ne sais pas quels arguments ils employèrent, mais il le persuadèrent de leur faire remise de la plus grande partie de la somme qu’il rapportait. Ces messieurs s’étant ainsi adjugé la part du lion, il resta relativement peu de chose pour le cousin et les autres intéressés. J’avais mis quelques fonds dans l’affaire, mes derniers souvenirs du Garamaka ; et ils m’ont à peine rapporté 120 p. 100. C’est dérisoire. Tu comprends que Raubvogel n’a jamais pardonné à Dreikralle et à Ganivais. La Presse concourt à la création et au développement de nos colonies, mais enfin elle ne doit pas les accaparer…

Un planton, qui vient annoncer M. Raubvogel, interrompt mon père ; et avant que j’aie pu placer un mot, le cousin fait son entrée.

— Hé ! s’écrie mon père, en brandissant le journal, vous avez vu ? Un nouveau tour de votre ami Dreikralle !…

— Mon ami ! ricane Raubvogel ; et ses yeux brillent, et son nez se recourbe un peu plus, et sa bouche dévore une grimace ; mon ami ! Ah ! si je le tenais !…

— Je crois, dit mon père, que je puis vous donner un bon moyen de vous venger…

— De nous venger, vous voulez dire ? corrige Raubvogel.

— Naturellement, grogne mon père. Eh ! bien, je sais de source certaine que le Dreikralle et le Ganivais sont en train, depuis quelques jours, de faire chanter Hablez, le fabricant d’équipements militaires, etc. Vous savez ?

— Oui. Et il chante ? Ce n’est pas nouveau. Gastibelza, l’homme à la carabine, chantait ainsi. Et pourquoi chante-t-il ?