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— Si vous acceptez, ma chère amie, topez-là.

Elle met sa main dans celle du notaire, et sort. Me  Hardouin, resté seul, se frotte les mains ; puis, il vient fermer la porte vitrée et éteint le gaz.

Je ne dirai pas un mot des sentiments qui m’agitaient tandis que j’écoutais cette conversation. Je suis sorti du jardin, je suis rentré chez moi, et j’essaye de remettre un peu d’ordre dans le chaos de mes pensées. Personnellement, je me félicite de ce que j’ai fait ce soir ; si j’avais attendu jusqu’à demain… Je l’ai échappé belle. Je garderai le silence sur tout ce que j’ai entendu, naturellement ; et je ne veux juger personne. Cette femme, pourtant… Je l’ai aimée — un peu, beaucoup, passionnément — pas du tout. Le plus souvent, pas du tout. Et nous n’en parlerons plus.

À moins que…

À moins que je ne vous donne le dénouement, et même la moralité de l’histoire.

Tout s’est passé le mieux du monde. C’est-à-dire que Mme  Hardouin a été surprise en flagrant délit d’adultère avec le premier clerc Renard ; que le divorce a été prononcé entre les époux Hardouin au profit du mari ; que l’ex-notairesse n’a pas tardé à devenir Mme  Courbassol ; que Me  Hardouin a disparu avec les épargnes confiées à ses soins vigilants ; qu’il a reparu, peu de temps après, et sans un sou ; qu’il a été jugé et condamné à plusieurs années de réclusion ; qu’il doit subir sa peine à la maison centrale de Saint-Orme, près de Malenvers ; qu’il est actuellement incarcéré dans cette prison…

Non, non ! Il n’y est plus. Il s’est évadé. Mon camarade, le lieutenant Labourgnolle, m’a raconté ce qu’il a vu, l’autre matin, étant de service à l’établissement pénitentiaire. Il a vu sortir de la prison un prêtre qui, lui a-t-on dit, était entré visiter les détenus avant qu’on eût relevé la garde. Ce prêtre, qui était accompagné par le