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XVI


Un militaire étranger, peu au courant de la politique française, s’étonnerait de voir deux régiments casernés à Malenvers. Cette ville est d’un accès difficile et il est presque impossible d’en sortir ; elle se trouve en dehors de toutes les grandes lignes de communication et l’unique chemin de fer qui y conduit, à voie simple et sinueuse, pourrait à peine être utilisé en cas de mobilisation ; stratégiquement, Malenvers n’a aucune valeur. Malenvers, néanmoins, possède un régiment d’infanterie et un régiment de cavalerie. Voici pourquoi : jusqu’à ces dernières années, Malenvers était un centre anti-républicain, et élisait des députés ultra-réactionnaires ; mais aux dernières élections le gouvernement, qui tenait à assurer le succès de son candidat, un vieil apothicaire nommé Laventoux, promit à la ville une garnison si elle votait bien. Elle vota bien, grâce aux efforts combinés des boutiquiers anxieux de voir augmenter leur clientèle et des femmes qui, d’avance, faisaient fonds sur les culottes rouges pour un supplément de distractions. Laventoux ayant pris place sur les bancs de la gauche démocratique, un régiment de dragons et un régiment d’infanterie débarquèrent dans la ville. L’un eut pour quartier des bâtiments délabrés qui dataient de Louis XV ; l’autre fut