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plus ni moins, pour que la France vive ; et je crois que, si cela ne se fait point, la France mourra.

— Vraiment… ! m’écriai-je.

— Elle crèvera ! Elle est en train de crever. Elle agonise. Mais regardez donc !… Et savez-vous de quoi elle meurt ? De sa défaite. De sa honteuse défaite, sans analogue dans l’histoire ; de sa défaite qui, par suite de l’égorgement de la Commune, devint le triomphe de Rome. Du jour où elle a permis qu’on bavardât et qu’on épiloguât sur sa débâcle, qu’on lui racontât des histoires sur son histoire, elle s’est affirmée prête à toutes les duperies dont personne n’est dupe, affamée de toutes les impostures ; et les impostures ont plu, mouillées d’eau bénite, saupoudrées de poudre de perlinpinpin. La Revanche ! Quelle blague ! Une blague à faire péter la bedaine du général Saussier ! Nous sommes en 84. Voilà quatorze ans qu’on la prêche, qu’on la gueule et qu’on l’annonce, la Revanche ; vous pouvez attendre encore quatorze ans, et vous n’aurez pas vu le bout de son nez. Laissez venir la fin du siècle ; ce sera la même chose. Une blague, je vous dis, une sale blague ! Voulez-vous que je vous dise la vérité ? Personne, en France, ne pense à la revanche. Et voulez-vous savoir pourquoi ? Parce que, personne, en France, ne pense à la France. Je ne suis pas un chauvin, certes. Mais je crois que recouvrer l’intégrité de la patrie, et la mettre hors d’atteinte, voilà ce qui devrait être la principale, l’unique préoccupation de tous les Français. Avoir la Patrie, constituer la Patrie, la Patrie vraie, — la Patrie pour tous et pour toutes. — Et qui donc comprend cela ? Qui donc voudrait penser à cela ? Pourquoi la France est-elle si insouciante, si honteusement veule ? Pourquoi ? D’abord, parce que les riches ont peur de la guerre. La guerre, aujourd’hui, rapporte quelque chose aux nations. Du conflit de 1870, les Allemands ont retiré des avantages énormes ; d’une guerre heureuse, les Français