Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à quatre épingles, au corset indubitable et au titre nobiliaire douteux. Contre ce titre, il voudrait échanger des titres de rentes. Sa seule préoccupation est celle d’un riche mariage. Il permute sans cesse, traînant d’un bout de la France à l’autre son épaulette, en quête de jeunes filles avec dot, avouant la chose comme normale… D’autres, qui ne l’avouent pas mais qui y pensent toujours sans en parler jamais. Celui-ci, à la tenue volontairement négligée, qui affecte des allures de voyou, siffle, chaloupe. Celui-là, posant au valet de cœur, coiffé en casseur d’assiettes, d’un képi très haut par derrière. Celui-là encore, ridiculement maniéré, aux gestes trop gracieux, qui salue les troupiers en minaudant. Un autre, qui n’aime pas ces manières-là, rêche, crispé, et qui déclare que le salut militaire a été institué afin de laisser à l’homme toute la hauteur de sa taille. Un autre, plus rogue et plus grincheux encore, que font grogner sans trêve les lenteurs de l’avancement ; qui se plaint surtout de ce que les officiers des corps de troupes qui vivent avec le soldat sont sacrifiés aux officiers d’état-major, sortant de l’École de guerre, et dont les brevets ne constituent, du point de vue strictement militaire, que des certificats d’ignorance.

Les officiers de grades supérieurs, surtout bureaucrates, écrasés sous une énorme paperasserie. Leur selle d’ordonnance est devenue un rond-de-cuir. Le colonel, grognonnant, mâchonnant, bedonnant, inquiet, congestionné de la peur qu’on ne lui fende l’oreille avant que les étoiles qu’il convoite ne tombent sur sa manche. Le lieutenant-colonel, desséché et poussiéreux, avec des manières de bedeau, et l’air d’avoir été oublié très longtemps dans le placard d’une sacristie. Un major, qui a l’aspect d’un souteneur, et qui fut zouave pontifical. Un autre, qui a des allures de remorqueur ; souffle, ahane, halète, semble toujours tirer derrière lui quelqu’un ou quelque chose. Des capitaines, préoccupés surtout de