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de leurs amis, et des congrégations non autorisées ; ils servent de rabatteurs dans les grandes chasses et de domestiques un peu partout ; on les met au service des patrons, dont ils fusillent les ouvriers mécontents et dont ils font l’ouvrage, sans salaire. On en fait des larbins, des cochers, des marmitons, des blanchisseuses, des bonnes à tout faire et des nourrices sèches. Quand ils ont des talents particuliers, on en tire parti sans hésitation : j’avais dans ma compagnie, il n’y a pas longtemps, un tailleur pour dames auquel ne laissait nul répit la partie féminine de la garnison. Et un homme que j’avais pour ordonnance n’a pas mis les pieds trois fois au quartier pendant les dix-huit mois qu’il est resté à mon service. C’est de cette façon que les officiers préparent les soldats à la défense de la patrie. Cela ne vaut-il pas mieux que de ne point les préparer du tout ?

On a dit que le service militaire obligatoire développe l’esprit, élargit l’intelligence, force l’homme à sortir de son trou, à voir du pays, à étendre son horizon mental. Les faits prouvent le contraire. Qu’il aille à droite ou à gauche, le soldat est enfermé dans une camisole de force qui l’empêche de se mouvoir librement. Les mêmes vices, les mêmes tentations, le guettent partout ; il est la proie des mêmes trafics. Le Militarisme, expression faussée de la nécessité de défense nationale, pervertit l’entendement, tue l’initiative, l’esprit d’aventure, le besoin d’action, fait d’un homme une bête fonctionnante ou une sale loque. Il ne faut pas de caractères, dans l’armée. Il faut l’obéissance passive. Ou bien — Biribi. Ou bien — la Mécanique.

Les réservistes et les territoriaux viennent accomplir leurs périodes d’instruction ; quelquefois joyeux de reparaître sous les drapeaux. Pendant vingt-huit jours, pendant treize jours, ils sont employés à des corvées dégoûtantes mais peut-être nécessaires ; cassent des cailloux ;