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que vous pouvez venir impunément insulter d’honnêtes commerçants ? Mais je vous ferai payer vos insultes, tout général que vous êtes. Les lois sont pour nous ; les tribunaux sont pour vous. Quand on a signé, il faut payer ! Et si vous ne payez pas, je vous montrerai de quel bois je me chauffe…

— Du bois de ma canne ! s’écrie mon père.

Il s’est précipité sur l’usurier qui s’est aplati sur son bureau, et lui a asséné, entre les épaules, un formidable coup de jonc.

— Aïe ! Aïe ! Holà ! À moi ! glapit l’usurier, qui se met à geindre lamentablement.

— Avez-vous fini de hurler, animal ? demande mon père, qui saisit l’homme par le bras, le relève, le cale dans son fauteuil. Attendez donc qu’on vous écorche, pour vous plaindre. Ah ! vous croyez que vous insulterez impunément des officiers de l’armée française, un général, et que tout vous est permis, gredin !…

— Je vais déposer une plainte, gémit Lévy.

— Oui ! dit mon père ; mais pas pour rien. Je vais vous jeter par la fenêtre, d’abord, et je dirai pourquoi au procès ; et l’on verra s’il y a des juges pour me condamner. Vous êtes un filou et un perturbateur ; et nous, les militaires, nous sommes là pour rétablir l’ordre. Allez ! Oust !

Il empoigne le juif par le collet, le soulève, l’entraîne vers la fenêtre. Il est hors de lui, assurément, va faire un malheur si je n’interviens pas.

— Grâce ! gémit l’usurier. Ne me tuez pas !…

— Demandez pardon, alors ! répond mon père. Et vite !

— Pardon, pardon ; lâchez-moi, balbutie Lévy, blême de terreur, tandis que mon père continue à le secouer avec rage.

— À une condition, dit mon père, en repoussant sa victime vers le bureau. À la condition que vous allez faire