Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mon père me parle de l’Allemagne, qui est un beau pays, mais qui a besoin de beaucoup d’argent pour se développer complètement ; les Allemands ont eu tort de nous prendre cinq milliards ; il leur en aurait fallu vingt-cinq. Il me parle de Berlin, qui est une ville sans caractère ; les monuments ne l’ont pas intéressé et la Siegessäule elle-même l’a laissé froid. Il me parle des fonctions qu’il a remplies : une vraie moquerie. Rien à voir ; on invite les attachés français à des manœuvres sans intérêt du côté de Breslau ou de Koenigsberg. Le prédécesseur de mon père, cependant, ayant pris l’habitude d’envoyer au ministère six ou sept kilogrammes de rapports chaque mois, mon père, pour ne pas demeurer en reste, n’en expédiait jamais moins de dix kilogrammes mensuellement. Le gouvernement n’avait donc pas lieu de se plaindre. Du reste, rien à apprendre. Ou du moins…

… Ici, mon père s’arrête un instant ; mais, après quelque hésitation, il se décide à me confier qu’il a fait, à Berlin, la connaissance d’une dame de l’aristocratie qui lui a souvent donné des renseignements curieux. Au fond, les informations qu’elle fournissait étaient peut-être plus sensationnelles qu’exactes ; mais la femme était charmante. Mon père me fait de cette dame — qui s’appelle la baronne de Haulka — une description enthousiaste ; comme elle est libre, étant veuve, il l’a fortement engagée à venir se fixer en France.

Mon père est en veine de confidences. Il me fait part, sous le sceau du secret, d’un bon tour qu’il a joué, avant de quitter l’ambassade, à son ennemi le général de Lahaye-Marmenteau. Le général faisait espionner mon père par un agent secret nommé Lügner. Ce Lügner était en relations avec le cousin Raubvogel ; ce dernier informa mon père. Mon père fit fournir au sieur Lügner, par l’intermédiaire d’un ami de la baronne de Haulka, des renseignements vraisemblables, mais complètement faux. Ces