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fait un discours vibrant du plus pur patriotisme, et où sa femme apparaît, vêtue en Alsacienne, au bras du ministre de la guerre, les émigrés partent pour la terre promise. Ils y sont conduits par M. Lügner en personne. Le même M. Lügner revient, trois semaines après, enchanté, et avec des larmes d’attendrissement dans les yeux. Et Raubvogel se frotte les mains, des mains qu’on se dispute, à présent, l’honneur de lui serrer.



Depuis quelque temps, en dépit des attentions dont il est comblé par les époux Raubvogel, mon père semble mécontent, inquiet. C’est que la Commission de Revision des grades tient ses séances, et qu’elle va bientôt examiner les titres du colonel Maubart à la grosse épaulette. Mon père est partagé, comme on dit, entre l’espoir et la crainte. Mais cette dernière semble dominer. Le général de Lahaye-Marmenteau qui n’a point conquis de grade pendant la campagne, ayant été fait prisonnier à Wörth, et qui est revenu d’Allemagne avec les étoiles de général de brigade qu’il avait à son départ, vient fréquemment remonter le moral de mon père. Le général est un homme de haute stature, mince, avec une taille aussi exiguë que celle d’une jeune fille, un crâne chauve, un front proéminent, un menton en galoche et des yeux d’inquisiteur. Ses manières sont extrêmement courtoises ; mais sa voix siffle.

À propos, je m’aperçois que j’ai oublié de relater la mort de Mme  de Lahaye-Marmenteau, en 1871. J’en suis tout à fait honteux.

Mme  de Lahaye-Marmenteau qui était restée à Paris pendant la Commune, n’ayant pu fuir à temps, a été trouvée morte devant la maison qu’elle occupait, boulevard Malesherbes, trois jours après l’entrée des troupes versail-