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— Votre mépris n’est pas justifié, répond lentement Schurke. Quand vous apprendrez l’histoire, vous verrez comment un grand général, Annibal, après avoir vaincu les Romains en plusieurs rencontres, s’avança jusqu’aux portes de Rome ; et comment, ayant pris ses quartiers à Capoue, son armée s’endormit dans les délices de cette ville, et, énervée et affaiblie par les plaisirs, fut enfin chassée de l’Italie. Nous faisons tous nos efforts pour que les Allemands trouvent dans Versailles, et même dans toute la partie de la France qu’ils occupent, la Capoue qu’ils méritent.

— Ah ! dis-je avec étonnement. Et comment vous y prenez-vous ?

— Ça dépend. Par exemple, vos parents, MM. Delanoix et Raubvogel, sont convaincus qu’il est important d’assurer aux Allemands tout le bien-être possible, et de prévenir leurs moindres besoins ; ils s’occupent donc d’organiser un service qui fera parvenir à ces Messieurs différents objets qui leur sont nécessaires ; objets dont le prix de revient, bien que fort élevé, sera diminué du total des frais de douane par un habile système de contrebande patriotique.

— Mais est-ce que les Prussiens n’auront pas à payer pour tous ces objets ?

— Si, et plutôt deux fois qu’une. Autrement, ils s’apercevraient du mauvais tour qu’on leur veut jouer.

— Alors, c’est pour ça qu’ils sont sans cesse en rapport avec les autorités allemandes, et qu’ils demandent des autorisations ?…

— Oh ! s’écrie Schurke en m’interrompant, ils ne demandent rien par eux-mêmes ; ils ne voudraient pas se compromettre avec l’ennemi. C’est Mme Raubvogel qui demande pour eux ; et c’est par son canal qu’on obtient tout. Rappelez-vous ça, Monsieur Jean ; ça pourra vous servir plus tard. Quand on veut obtenir quelque chose,