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mieux ne pas vous faire languir, car vous ne devineriez jamais. C’est M. Raubvogel, le cousin Raubvogel, lui-même, en personne, avec son doux sourire et sa belle barbe.

Il est arrivé, il y a deux heures à peine, à Versailles et a tout juste pris le temps de secouer la poussière du voyage, avant de venir nous voir. Il a amené Mme  Raubvogel. Estelle me semble plus jolie encore qu’il y a quatre mois ; elle est aussi vive, aussi gracieuse ; ses yeux bleus, seulement, semblent avoir pris une teinte plus foncée. Mais, à l’examen, je m’aperçois qu’ils ont seulement changé d’expression ; et que l’expression qu’ils ont prise est précisément celle des yeux de son mari. Les époux Raubvogel ne sont pas venus les mains vides ; ils ont apporté un grand nombre de cadeaux ; il y en a pour ma grand’mère, pour moi, pour mon père « quand il reviendra de la guerre avec les étoiles de général », dit Raubvogel, et même pour Lycopode. Raubvogel fait preuve d’une politesse pleine de vénération à l’égard de ma grand’mère, qu’il a à peine entrevue au mois de juin, et qu’aujourd’hui il appelle « ma tante » gros comme le bras.

— Oui, ma tante, dit-il, pas un jour ne s’est écoulé depuis le commencement de ces temps d’épreuves sans que nous pensions à vous. Vous savoir seule ici, sans appui, avec ce cher enfant, était pour nous un tourment de tous les instants. Ne pas avoir de nouvelles des gens qu’on aime, est une chose terrible. Ah ! c’est alors qu’on sent quelle est la puissance des liens de famille ! Je disais tous les jours à Estelle : Pourvu qu’il n’arrive rien de fâcheux à notre chère tante (et aussi, ajoute-t-il, à notre gentil petit cousin) ! Pourvu qu’il ne leur arrive rien de fâcheux ! Estelle me répondait : Ne crains rien ; la providence veillera sur eux.

— Oui, dit Estelle en essuyant ses yeux qu’est venue mouiller une larme, je répondais ça…