Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mands. La preuve, c’est qu’ils ne sont pas venus nous aider. À bas les Anglais !

M. Curmont, quand il a poussé ce cri, se trouvait derrière deux ou trois hommes qui le séparaient de M. Freeman. Ce dernier, des deux mains, a écarté les hommes, et a levé son poing sur M. Curmont. M. Curmont s’est rejeté en arrière, a buté contre les pieds du tambour, et est tombé sur le dos en criant : Au secours ! M. Freeman l’a considéré un instant avec mépris ; il a jeté sur les assistants le même regard dédaigneux, pendant que M. Curmont se relevait en se frottant le derrière ; il a repris son fusil des mains du tambour et il est rentré tranquillement dans sa maison. Avant de fermer les grilles de son jardin, il a dit, d’une voix qui trahissait une émotion profonde :

— Vous n’agissez pas comme des Français. Je souhaite que les Prussiens vous traitent comme vous le méritez.



Mais le souhait de M. Freeman ne s’accomplit pas. Les Allemands, installés dans la ville comme chez eux, se comportent vis-à-vis des Versaillais avec un savoir-vivre irréprochable. Ce ne sont pas du tout les sauvages qu’on s’est plu à dépeindre. Ce sont des gens fort civilisés ; et même de bons clients. Les commerçants le déclarent, la main sur la conscience. Qu’on ne vienne plus leur parler de la barbarie des Teutons ! Les Prussiens font la guerre d’une façon civilisée, sont des hommes d’ordre, respectent les non-combattants et la propriété particulière. Et les habitants de Versailles, qui sont des non-combattants et possèdent particulièrement, respectent les Allemands. Respect pour respect. Voilà ce que c’est que d’être civilisé. Les Versaillais pensent que, lorsqu’on prend du respect, on n’en saurait trop prendre ; et ils vont telle-