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C’est peut-être la dernière chose que je lis, pour longtemps, après tout, ce roman sans queue ni tête, cette élucubration inepte. Pendant trois ans, probablement, il me faudra vivre d’une véritable vie de brute, sans autre distraction intellectuelle que la lecture du Code pénal collé, comme une menace, à la fin de mon livret.


Le jour commence à paraître. J’entends les conducteurs qui appellent les chevaux et qui traînent les harnachements. L’artillerie ne fournira que trois prolonges pour le convoi. Elles sont attelées ; elles sont prêtes à partir. Un maréchal des logis vient me chercher. La nuit m’a semblé bien longue, mais je ne puis d’empêcher de dire :

— Déjà !

Oui, déjà. Il faut grimper à la Kasbah pour prendre les chargements et se joindre aux arabas de l’Administration et aux mulets de bât des tringlots.

— Croyez-vous qu’on va me laisser libre jusqu’à Zous-el-Souk ?

— Je ne sais pas, mais je crains bien que non, me répond le sous-officier en montant la rampe qui mène à la vieille forteresse. On m’a donné l’ordre de vous conduire à la gendarmerie.

À la gendarmerie ? Pourquoi faire ?

Pourquoi faire ? Je vais le savoir, car on vient de m’introduire dans une salle dont la porte s’ouvre sur l’une des nombreuses cours intérieures de la Kasbah.

Des lits sont rangés contre le mur, à la tête desquels sont accrochés des pantalons bleus à bandes noires, des képis bleus à tresse et à grenade blanches, et ces espèces de gibecières en cuir fauve qu’on est