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derrière une malle. Quant au commandant, il a ouvert de grands yeux ; il semble très étonné, ne s’étant jamais imaginé, probablement, qu’on pût envisager la question à un point de vue pareil. Il ne paraît pas furieux, tout au contraire ; on dirait même qu’il n’est pas fâché, mais pas fâché du tout, en vieux soldat d’Afrique qu’il est, de voir mettre à jour l’ineptie des règlements dont l’étroitesse et la dureté lui ont toujours semblé quelque peu ridicules. Seulement, il ne sait plus quoi dire et ce n’est qu’au bout de deux ou trois minutes qu’il se rappelle subitement qu’il a encore à accomplir une petite formalité.

— Je vais vous lire vos punitions.

Et il commence.

Il commence, mais il n’a pas fini. Ah ! non. Les deux pages du livret sont pleines et l’on a été obligé d’ajouter plusieurs rallonges. Et des motifs d’une longueur ! Quand il n’y en a plus, il y en a encore. C’est comme la galette du père Coupe-Toujours, au Gymnase.

Le commandant n’en peut plus. Il est tout rouge. Il a beau écourter en diable des motifs par trop chargés et sauter à pieds joints par dessus des punitions tout entières, il manque de salive, il est à bout de forces. Il va attraper une extinction de voix. Il pousse un long soupir et s’arrête.

— Tenez, lieutenant, je vous en prie, lisez donc la suite. C’est si mal écrit, tout ça… Ouf !…

Il passe le livret au petit sous-lieutenant qui esquisse un sourire méchant. Il ne passe rien, celui-là ; il appuie sur les mots, comme s’il voulait les forcer à entrer bon gré mal gré dans l’oreille de ses auditeurs ; il lit les motifs d’une voix indignée de procureur général qui énumère les méfaits de l’accusé, et traîne