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— Vous êtes témoins, n’est-ce pas ?

— Oui, sergent.


On a emmené Queslier auquel on a mis, sous son tombeau, les fers aux pieds et aux mains.


Le peloton est fini. Si je pouvais ne pas être aperçu !…

Justement une bande de gradés fait son entrée dans le ravin avec un saladier de fer-blanc, énorme, plein de punch. Ils pénètrent dans le marabout du sergent de garde pour trinquer avec leur collègue de service. Il y a eu une promotion ce matin, paraît-il ; un des pieds-de-banc, Balanzi, a été nommé sergent-major. C’est le factionnaire qui, tout bas, vient de me jeter cette nouvelle.

Il a raison. J’entends des hurlements, mêlés à des éclats de rire, sortir du marabout. En chœur, les chaouchs entonnent une chanson :


Nous avons un sergent-major…
… Il a cinq pieds, six pouces,
Et des galons en or !


Des galons en or ! Dire que c’est avec ça qu’on étrangle un peuple !


Personne ? Pas de danger ? La sentinelle tourne le dos. Sans bruit, je me glisse jusqu’au tombeau de Queslier.

— Rien n’est perdu, vois-tu, rien. Je passerai au conseil, mais je m’en tirerai. Il n’est pas possible qu’ils osent me condamner. Si je croyais le contraire… Mais non, ce n’est pas possible… Tu as compris mon