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chaise, pour la casser tout à fait. Queslier aussi a soixante jours de prison. Lui, par exemple, c’est pour s’être permis de saisir familièrement par le bras un supérieur, pendant le service.

— Qu’est-ce que ça fiche ? me dit-il au moment où l’on nous boucle. Pourvu que ça compte sur le congé…

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Voilà trois mois, déjà, que l’affreux cauchemar est passé ; trois mois qu’il s’est effacé, l’horrible rêve de l’existence brisée comme une lame d’épée par le bâton d’un manant ; trois mois que le spectre du crime à accomplir a disparu de devant mes yeux.

Ah ! je suis soulagé d’un grand poids. Il m’a rendu bien vil, l’infâme métier. J’ai volé, j’ai forniqué. Mais j’ai pu au moins écarter de mes doigts souillés et tremblants le fantôme de l’assassinat…

… Cette phrase que je viens d’écrire me fait honte. Elle ment. Je ne l’efface pas, je la laisse. Je n’ai pas le courage, vraiment, de la biffer d’un trait de plume, car c’est bien dur de tout dire, même quand on s’est promis de faire une confession sincère ― même quand on n’a pas de remords.

Pas de remords, non. Je n’ai été, là encore, que l’agent contraint et aveugle d’une cause hors de moi. Avoir des ménagements pour moi, affolé qui, inconsciemment, ai agi en brute, ce serait avoir des égards pour ceux qui, depuis si longtemps, appuient sur mon esprit leur lourd talon. Et ce n’est que justice, après tout, si je secoue, sur leurs faces viles, mes mains tachées de sanie et de sang.

J’ai assassiné.


Ah ! je veux me hâter, maintenant. J’en ai assez de