Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que mon sang bouillonne en leur présence, et j’ai été pris, trop de fois, de l’envie terrible de les tuer ― ou de les aimer. Ce n’est plus eux que je vois, ce n’est plus leur physionomie que je regarde avec dédain ; ce sont des intonations féminines que je recherche dans leurs voix, ce sont des traits de femmes que j’épie fiévreusement ― et que je découvre ― sur leurs visages ; ce sont des faces de passionnées et des profils d’amoureuses que je taille dans ces figures dont l’ignominie disparaît.

Cette cristallisation infâme me remplit d’une joie âpre qui me brise.


Oh ! les rêves que je fais, somnambule lubrique, dans ces interminables journées où mon corps s’affaiblit peu à peu sous l’action de l’idée troublante ! Oh ! les hallucinations qui m’étreignent dans ces nuits sans sommeil où les extravagances du délire s’attachent brûlantes à ma peau, comme la tunique du Centaure ! Ces nuits où j’écume de rage comme un fou, où je pleure comme un enfant ; ces nuits pleines d’accès frénétiques, d’espoirs ardents, de convulsions douloureuses, d’attentes insensées et d’anxiétés poignantes, où mon cœur cesse de battre tout à coup, ainsi qu’à un susurrement d’amour, au moindre bruissement du vent ― où je me suis surpris, tressaillant de honte, à étendre mes mains tremblantes de désir vers les paillasses où les lueurs pâles de la lune, perçant la toile, me faisaient entrevoir, dans les corps étendus des dormeurs, de libidineuses apophyses !…


Ah ! je ne veux point céder à la tentation ! N’importe quoi, plutôt…