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flanc de la famille, cette plaie puante et corrompue : l’héritage, l’argent…


Non, je ne sais rien. Ma pauvre science, dont j’avais rêvé de faire une armure forgée de toutes pièces sur l’enclume de la souffrance avec le marteau de la haine, n’est toujours, malgré tout, qu’un assemblage de haillons et de morceaux graissés de la graisse du pot-au-feu et salis de l’encre de l’école ― décroche-moi-ça lamentable de loques bourgeoises étiquetées par des pions. ― C’est si dur à faire disparaître, les sornettes que l’on vous a fourrées de force dans la boule ― vieux clous rouillés dans un mur et qu’on ne peut arracher qu’en faisant éclater le plâtre.

Je suis toujours l’enfant que pousse son instinct, mais qui ne sait pas voir. La douleur ne m’a pas éclairé, la souffrance ne m’a pas ouvert les yeux…


Ah ! Misère ! les épaules me saignent, cependant, d’avoir tiré ton dur collier ! Ah ! Vache enragée ! j’en ai bouffé, pourtant, de ta sale carne !…

Oh ! avoir une vision nette ! avoir une perception juste ! Avoir la foi !

La foi ! oh ! si je l’avais, je n’éprouverais pas ce que j’éprouve, je ne me laisserais pas agripper, comme un pâle malfaiteur, par le désespoir et le découragement, ces gendarmes blêmes des consciences lâches. ― Je ne hausserais pas les épaules devant les rages passées, je n’aurais pas le petit rire sec de la pitié moqueuse au souvenir des grands élancements qui si souvent m’ont brisé.


Car j’en suis là, à présent. J’en suis à me demander si je n’ai pas été le cabotin qui se laisse empoigner