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vite ! Il n’y a pas de danger que je le lâche ! Et je vais le faire marcher devant moi, encore, avec accompagnement de coups de pied dans les talons s’il a l’air de vouloir caner… Ça ne marque pas, les coups de pied dans les talons… seulement, ça pince.

Le caporal essaye de protester.

— Je n’ai pas peur, je n’ai rien à redouter… Je n’ai jamais été méchant… c’est une justice à me rendre, je n’ai jamais été méchant…

— Elle n’est pas mauvaise ! Mais qu’est-ce que ça nous fout, tout ça ? Méchant ou pas, si on décide de venger Barnoux sur la peau de tes copains d’El-Ksob, tu y passeras comme eux, en même temps… Ah ! maintenant, dans le cas où la représentation serait déjà finie quand nous arriverons, on jouerait une nouvelle pièce exprès pour toi… Plains-toi donc, eh ! taffeur !… Un duo à nous deux ! c’est moi qui jouerais de la clarinette !

— En route, nom de Dieu ! s’écrie Queslier. Et pas de halte jusqu’à El-Ksob ? Nous verrons ce qu’il y a à faire, avec les autres ; il faudra qu’ils le payent, leur assassinat ! Au revoir, l’Amiral !


Nous avons repris nos sacs et nous nous sommes mis en marche. Elle ne nous a pas semblé longue, la seconde moitié de l’étape. Excités par l’indignation, la rage au cœur, nous avons marché à grands pas, silencieux, mornes, distendant seulement les mâchoires dans un rire féroce chaque fois qu’Hominard, ce farceur que la blague ne quitte pas, même dans la colère, engueulait son cabot.

Des impitoyables, souvent, ces rigoleurs qui dissimulent la violence de leur indignation sous les drôleries de la farce ― comme on cache un stylet dans