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libre, même, de pousser ces cris affreux qui crèvent le silence des bagnes et qui n’avaient point trouvé d’écho, jusqu’ici. J’ai voulu qu’il fût lui, ― un paria, un désolé, un malheureux qui, pendant trois ans, renfermé, aigri, replié, n’a regardé qu’en lui-même, n’a pas lu une ligne, n’a respiré que l’air de son cachot, ― un cachot ouvert, le pire de tous. J’ai voulu, surtout, qu’il fût ce douloureux, fort et jeune, qui pendant longtemps ne peut pas aimer et qui finit par haïr.

J’ai voulu qu’il souffrît, par devant témoins, ce qu’il a souffert isolé.

Maintenant, a-t-on bien fait de l’envoyer là-bas ? A-t-on eu tort de le faire souffrir ? Peut-être. Mais ce sont des questions auxquelles je ne veux pas répondre. Mon livre n’est pas là. Il est tout entier dans l’étude de l’homme, il n’est point dans l’étude des milieux. Je constate les effets, je ne recherche pas les causes. Biribi n’est pas un roman à thèse, c’est l’étude sincère d’un morceau de vie, d’un lambeau saignant d’existence. Ce n’est pas non plus, ― et ce serait commettre une grossière erreur que de le croire, ― un roman militaire.

Où voit-on l’armée dans ce livre, l’armée telle que