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qui, un peu plus loin, prend l’absinthe sous un olivier. L’infirmier, resté là en attendant la levée du corps, nous donne des détails. Palet est mort la veille, dans la nuit.

— Avant de mourir, il a fait un vacarme épouvantable. Jamais je n’ai vu un gueulard pareil. Ce matin, on est venu chercher ses effets. Comme il avait une chemise presque neuve, votre sergent d’habillement n’a pas voulu le laisser enterrer avec. Il la lui a fait enlever et a envoyé, du magasin, une chemise hors de service. Le major l’a disséqué à neuf heures et prétend qu’il est mort de consomption et de fatigue autant que de la fièvre. Moi, vous savez…


L’adjudant revient. Nous empoignons, trois hommes et moi, chacun un brancard de la civière. Les hommes en armes se placent derrière, leurs fusils sous le bras.

— En avant, marche !

Nous suivons cinq minutes le chemin qui conduit au camp, puis nous gravissons le sentier qui mène au cimetière. À chaque instant, nous entendons le heurt du corps contre les planches des boîtes à biscuits, trop larges. Il est lugubre, ce bruit, et nous marchons à grands pas, pour en finir au plus vite, obsédés par la vision du cadavre disséqué et pantelant, croque-morts qui sentons peser sur nous la condamnation à mort qui a frappé le macchabée que nous trimballons.


Sur le plateau, à côté de figuiers de Barbarie, derrière un petit mur en pierres sèches, une vingtaine de tombes dont les plus récentes forment des bourrelets sur la terre rougeâtre, surmontées de petites