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Ces nuits où des hommes qui seront bientôt des cadavres poussent tout à coup un cri strident et ramènent sur eux, avec rage, leurs couvertures agrippées, comme pour se défendre d’un ennemi invisible dont ils ont senti l’approche ! Ces nuits où l’on entend les sanglots enfantins de Palet qui a le délire et qui, dans sa lente agonie, appelle sa mère en pleurant ?

— Maman !… maman !…

Oh ! je les aurai toujours dans les oreilles, ces deux mots que, pendant trois nuits, j’ai entendu retentir sinistrement dans cet hôpital lamentable ! Ces plaintes, douces d’abord, humides de tendresse, et mouillées de larmes, finissant en hurlements qui vous faisaient dresser les cheveux sur la tête ! ― Hurlements désespérés du mourant qui n’a plus conscience des choses, qui sait seulement qu’il va mourir, et qui proteste, dans un cri suprême, contre l’abandon de ceux qu’il a aimés.


Ah ! il faut essayer de sortir de là, car je sens que peu à peu ma raison s’égare, mon corps s’affaiblit et que j’y laisserai ma peau, moi aussi. Rester là-dedans pour me guérir ? Allons donc ! Ce n’est pas le traitement qu’on me fait suivre, ce ne sont pas les soins qu’on me prodigue qui changeront quelque chose à mon état. Du sulfate de quinine, j’en prendrai tout aussi bien dehors, et des baignades au drap mouillé, je m’en passerai facilement.

Le drap mouillé ? Parfaitement. L’eau est rare, à Aïn-Halib. Il faut aller la chercher au loin et la rapporter dans de petits barils qu’on place sur les bâts des mulets ! Aussi, ne faut-il pas penser à plonger les malades dans des baignoires qui, d’ailleurs, font défaut. Le major a imaginé de faire mouiller des draps