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Et il part en courant. Nous le suivons.


C’est horrible ! Le sac au dos, la bretelle du fusil passée autour du cou, les mains liées avec des cordes, un homme est attaché à la queue d’un mulet. Il n’a plus la force de lever les jambes, et ses pieds, qu’il traîne lamentablement, dans ses efforts pour suivre l’allure trop rapide de l’animal, soulèvent des nuages de poussière. Un sergent, une baguette à la main, cingle la croupe du mulet qui, impassible, ignorant la honteuse besogne qu’on lui fait faire, continue son chemin du même pas régulier. Tout d’un coup, l’homme bute contre un caillou. Il tombe sur les genoux et, entraîné par le mulet qui marche toujours, se renverse sur le côté, les jambes étendues, les bras raidis dans une tension effrayante. Et, en sa face pâle renversée en arrière, la bouche grande ouverte, toute noire, laisse échapper un hurlement de douleur. Le chaouch se retourne, la baguette à la main, pour frapper l’homme ; mais il nous a aperçus ; nous sommes à cent pas à peine. Et il a eu peur, l’infâme ! et il s’est sauvé, le lâche ! en courant de toutes ses forces.

Le Crocodile a coupé la corde, et Palet ― car c’est lui ― est resté étendu sur le dos, incapable de faire un mouvement ; les habits déchirés, couvert de poussière, les poignets tuméfiés et bleuis par la pression des cordes. Nous nous empressons autour de lui, nous le débarrassons de son fourniment et nous lui faisons avaler quelques gorgées d’eau. Il se remet peu à peu.

— Nous porterons tout ton attirail à nous tous, lui dit Barnoux. Pourras-tu marcher comme ça ?

— Je pense que oui… en me reposant de temps en temps…