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— Va donc un peu te baigner, eh ! sale outil !

— Un témoin ! un témoin ! rugit le sergent avec son accent corse. On m’a insulté !

Et, saisissant le bras de Queslier :

— Vous avez entendu ce que m’a dit cet homme ?

Queslier se dégage et ne répond rien.

— Voulez-vous dire que vous l’avez entendu, hein ! voulez-vous le dire ?…

— Hé ! Queslier, ricane le Crocodile, il se figure peut-être que nous comprenons le corse. Nous autres, on est de Pantruche ; on n’entrave pas le corsico.

Et, comme il marche derrière le sous-officier, il lui donne, comme par mégarde, un coup de pied dans les talons.

— Pardon, excuse, sergent… c’est mon pied qu’a glissé.

Le chaouch, rageur, m’attrape par le bras.

— Vous avez entendu, vous ? Ne dites pas non ou je vous ferai passer en conseil de guerre. Je le jure par le sang du Christ.

— Je n’ai rien entendu.

Le Corse s’en va, la figure blanche, les poings crispés, mâchant des Porco di Cristo !


— Tu marcheras toujours avec nous pendant les étapes, me dit l’Amiral. Sans ça, les chaouchs chercheraient à te jouer un sale tour. Ne va jamais avec ces pierrots, là-bas… Tiens, où sont-ils ? on ne les voit plus.

On ne les voit plus, en effet. La route est couverte, tout au loin, de traînards qui n’ont pas l’air très pressés d’arriver à l’étape. Ils s’en vont tranquillement, deux par deux ou trois par trois, à quinze ou vingt mètres les uns des autres, s’interpellant de temps en