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arrivés à la compagnie, voulaient bien l’écouter ; et ils marchaient en avant, en rangs serrés, presque alignés, toujours à cinq ou six cents mètres de la cohue des traînards.


— Regarde donc les pierrots, là-bas, s’écrie l’Amiral, qui fait partie d’un groupe au milieu duquel je me trouve ; oh ! là, là ! regarde-les donc cavaler ; on dirait qu’ils ont le feu au cul !

— Qu’est-ce que tu veux ? répond Queslier. C’est tout bleu, ça arrive de France et, dame ! au moindre mot des chaouchs, ça fait dans ses pantalons.

— C’est clair, riposte Bernoux, le bachelier qui couchait dans ma tente à Zous-el-Souk, et qui interrompt une discussion qu’il a engagée depuis au moins une heure, au sujet des mœurs carthaginoises, avec un jeune homme qui revient de détachement, un licencié ès lettres qui est poète. C’est clair. Seulement, il y a une chose regrettable : c’est que ces jeunes soldats, terrorisés par les cris et les menaces de messieurs les gradés, ne tarderont pas à se transformer en véritables mouchards. Il faudra faire bien attention à nous si nous ne voulons pas être victimes de leur couardise.

Le licencié, Rabasse, approuve du geste ; mais Queslier ne partage pas son opinion.

— Il y en aura toujours une bonne moitié qui ne se transformeront pas en bourriques. Quant aux autres…

— Les autres, on les dressera, s’écrie l’Amiral.

— On leur fera rentrer leurs bourriqueries dans la gueule à coups de riclos, riposte un grand gaillard sec et maigre, qu’on appelle le Crocodile, et qui, paraît-il, ne sort pas de la prison.