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en prison pour une nuit. En passant à Tunis, nous vous y laisserons. Ça vous apprendra à vendre vos cartouches.

C’est la première fois que j’assiste à une scène semblable. Le conseil de guerre, la condamnation pour vol, la flétrissure indélébile imprimée sur le front d’un homme, parce qu’il a perdu deux cartouches !…

L’indignation me fait frissonner. Mais c’est du noir, surtout, qui me descend dans l’âme, quand je pense que je serai si longtemps encore, tous les jours et plusieurs fois par jour, à la merci d’une pareille situation.


Le lendemain matin, le clairon sonne le réveil à quatre heures. Il fait presque nuit. Il nous faut cinq minutes pour aller à la gare où le train doit venir nous prendre à cinq heures précises. À cinq heures moins vingt, la compagnie, sac au dos, est rangée par sections sur la route qui traverse le camp. Le clairon sonne l’appel et, sur toute la ligne, les Présent ! répondent aux noms criés par les sous-officiers.

— Rendez l’appel !

Les pieds-de-banc défilent et rendent l’appel au capitaine.

— Manque personne… Manque personne…

— Il manque Loupat, mon capitaine.

— Loupat ! celui d’hier ! ― Ah ! la canaille ! Il a déserté cette nuit pour essayer de se soustraire au conseil de guerre ; mais, soyez tranquille, on le rattrapera. On n’échappe jamais à un juste châtiment. ― Poursuivez…

Les gradés continuent leur défilé.


— Manque personne… Manque personne…