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parce qu’elle a besoin, comme toutes les sociétés usurpatrices, d’appuyer sa domination sur la terreur, parce qu’elle a besoin de se faire craindre sous peine de perdre son prestige et de risquer l’écroulement.

Ce qu’elle veut, à tout prix, c’est une obéissance passive et aveugle, un abrutissement complet, un avilissement sans bornes, l’obéissance de la machine à la main du mécanicien, la soumission du chien savant à la baguette du banquiste. Prenez un homme, faites-lui faire abnégation de son libre-arbitre, de sa liberté, de sa conscience, et vous aurez un soldat. Aujourd’hui, à la fin du dix-neuvième siècle, quoi qu’on en dise, il y a autant de différence entre ces deux mots : soldats et citoyens, qu’il y en avait au temps de César entre ces deux autres : Milices et Quirites.

Et cela se conçoit. L’armée, c’est la pierre angulaire de l’édifice social actuel ; c’est la force sanctionnant les conquêtes de la force ; c’est la barrière élevée bien moins contre les tentatives d’invasion de l’étranger que contre les revendications des nationaux. Les soldats, ces fils du peuple armés contre leur père, ne sont ni plus ni moins que des gendarmes déguisés. Au lieu d’une culotte bleue, ils portent un pantalon rouge. Voilà tout. Le but de leurs chefs, les souteneurs de l’État, est d’obtenir d’eux, textuellement, « une obéissance absolue et une soumission de tous les instants, la discipline faisant la force principale des armées. »


Or, la discipline ― on l’a dit ― la discipline, c’est la peur. Il faut que le soldat ait plus peur de ce qui est derrière lui que de ce qui est devant lui ; il faut qu’il