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XCIV
INTRODUCTION.

ce qui est moins noble relevant toujours de ce qui est plus noble, et non pas réciproquement ; la raison, moyen naturel, est subordonnée à la foi, moyen surnaturel. Par suite, non-seulement la raison doit s’incliner sous le joug de la foi, mais encore toutes recherches rationnelles doivent avoir pour but la justification, le triomphe de l’enseignement révélé. Dépendante dans sa fin, comme dans ses actes, la science ne peut se rapporter légitimement qu’à la révélation qui se trouve être par là le terme ultérieur, comme le principe et la règle de toute vraie philosophie.

Aussi saint Denys annonce positivement qu’il ne puise pas ses inspirations en lui-même, mais bien dans les Écritures, dont l’explication est donnée par les dépositaires de l’enseignement catholique. L’homme ne saurait en effet ni comprendre, ni exprimer ce qu’est la suprà-substantielle nature de Dieu ; il n’en sait que ce qu’en disent les divins oracles ; et c’est à leur lumière seulement qu’on peut découvrir quelque chose de cette majesté inaccessible. En un mot, la vérité n’est pas la conquête de l’homme, c’est un don du ciel ; l’homme ne s’en saisit pas comme d’une dépouille, il la reçoit d’une libéralité purement gratuite.

Placé ainsi dans la sphère de la foi, le philosophe chrétien ramasse toutes les forces de son esprit et explore ces régions immenses, dont les bornes lumineuses reculent, par une sorte de magie sacrée, à mesure qu’on marche pour les atteindre. Sa raison n’a pas descendu, elle a grandi ; car la foi est une transfiguration et non pas une dégradation de l’intelligence. Sa raison n’a pas faibli ; car la foi est une victoire et non une pusillanimité. Sa raison n’est pas contrainte, mais protégée ; car la foi est un libre mouvement dans la vérité immuable.

Cet éclectisme catholique, le seul qu’on puisse admettre, parce qu’il a pour point de départ et d’arrêt un principe absolu et infaillible, diffère essentiellement, comme on voit, de l’éclectisme alexandrin, qui, en dehors de l’É-