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À L’ÉVÊQUE TITUS.

l’essence divine. L’ivresse, chez nous, se prend en mauvaise part et n’est autre chose que l’excès dans le boire et une défaillance des sens et de l’entendement ; mais chez Dieu, elle se prend en bonne part, et elle est l’abondance infinie de tous les biens s’écoulant dans sa source même. Également dans ce renversement d’esprit qui accompagne l’ivresse, il faut voir la suréminence incompréhensible par laquelle Dieu échappe à l’entendement et dépasse toute idée, toute intelligence, tout être. En un mot, il est troublé d’ivresse et hors de lui-même, parmi toutes ses perfections, parce qu’il en est inondé au delà de toute mesure, et parce qu’il habite en dehors d’elles et par-dessus elles.

Et ces locutions nous conduisent à comprendre de la même sorte les festins des élus dans le royaume des cieux. Car il est dit ; « Le roi passera ; il les fera asseoir et les servira[1]. » Ceci désigne la fraternelle concorde des bienheureux dans la participation aux mêmes grâces, et l’assemblée des premiers-nés qui sont inscrits dans le ciel, et les esprits des justes enrichis de tous les dons parfaits. Quand on dit qu’ils s’asseoiront, je crois qu’on veut figurer la fin de leurs travaux multipliés, leur vie calme et tranquille, leur divin état dans la lumière et dans la région des vivants, leur félicité sainte, la pure et abondante possession de tous les trésors célestes qui les plonge dans un océan d’allégresse. Et c’est Jésus qui les réjouit, les fait asseoir et les sert, qui leur donne cet éternel repas, et leur distribue les flots de ce bonheur si plein.

VI. Mais je vous entends ; vous m’allez demander

  1. Luc., 12, 37.